Futur conclave

LE FUTUR CONCLAVE

Il était prévu qu'un consistoire se tiendrait dans le premier trimestre 2004 pour la création de nouveaux cardinaux. A la surprise générale la date a été brusquement avancée au 21 octobre. Pourquoi ? Tout simplement parce que Jean-Paul II est très conscient de son état de santé et qu'il tient à préparer sa succession. Le nombre des cardinaux ayant droit de suffrage atteint les 135 et dépasse donc le seuil de 120 qui avait été fixé. Cela dit, il faut tenir compte du fait qu'avant la fin de l'année quatre cardinaux cesseront d'être électeurs et, parmi eux, le cardinal Silvestrini, chef de file des progressistes au sein de la curie. En 2004, sept autres cardinaux perdront automatiquement leur droit de vote en atteignant l'âge fatidique de 80 ans. D'autre part il est plus que probable que parmi les cardinaux électeurs certains ne pourront se rendre à Rome pour raison de santé. Il y a donc peu de chance que le chiffre de 120 soit beaucoup dépassé.

La dernière constitution apostolique réglant les modalités de l'élection du pape a supprimé deux modes d'élection qui étaient tombés en désuétude et n'avaient pas été utilisés depuis des siècles : l'acclamation (les cardinaux sans concertation, spontanément acclamaient l'un des leurs comme pape) et le compromis (dans l'incapacité de s'entendre sur le choix d'un nouveau pape, les cardinaux déléguaient à quelques-uns parmi eux le soin de procéder à l'élection). Il n'a été conservé que l'élection. Pour être élu, il faut réunir les deux tiers plus une voix des cardinaux prenant part au vote et non de cardinaux ayant droit de suffrage. Si un cardinal tombe malade et ne peut se rendre à la Chapelle Sixtine, deux cardinaux se déplaceront pour recueillir son vote. Bizarrerie de la réforme édictée par Paul VI : les cardinaux octogénaires n'ont plus le droit de participer au conclave, mais ils demeurent parfaitement éligibles. En théorie il n'est pas requis d'appartenir au Sacré Collège pour être élu, un simple religieux pourrait accéder au trône de Saint Pierre ; en pratique il faut être cardinal. La dernière élection d'un simple religieux, Célestin V, a laissé de si fâcheux souvenirs qu'il est douteux qu'on renouvelle l'expérience.

On ne pose pas sa candidature au pontificat et ceux dont le nom est prononcé s'empressent par humilité vraie ou feinte de protester qu'il ne saurait en être question. En revanche, l'entourage pousse la candidature de son cardinal en s'arrangeant pour que les médias en parlent favorablement et colportent des rumeurs malveillantes sur les adversaires. Ainsi le cardinal Agagianian, qui avait des chances sérieuses de succéder à Pie XII, fut-il écarté par le bruit qu'on fit courir qu'il était un espion au service du KGB.

On peut compter une trentaine de cardinaux qui se classent parmi les conservateurs et autant parmi les progressistes. Une cinquantaine peut être qualifiée de centristes, et une vingtaine de cardinaux demeurent très difficilement classables.

Il est vraisemblable que le prochain pape sera italien, mais personne ne s'impose vraiment. Un cardinal africain ? Cela illustrerait l'universalité de l'Eglise, mais le seul qui avait l'envergure, le cardinal Gantin, est beaucoup trop âgé, il n'est même plus électeur. Un Asiatique ? Personne n'émerge du lot. Un Sud-américain ? Le cardinal Moreira Neves, Brésilien qui avait à la fois l'expérience pastorale et celle de la curie, aurait pu être un candidat crédible, malheureusement il a succombé à un cancer.

Les progressistes aimeraient mettre en avant le nouveau cardinal hondurien Oscar Rodrigues Maradiaga, mais justement il est trop à gauche pour rassembler les voix nécessaires. En Europe, le cardinal archevêque de Vienne a l'envergure intellectuelle voulue, c'est un brillant théologien, mais il est trop jeune et son caractère entier lui a valu de nombreux ennemis. Des cardinaux lui reprochent aussi son comportement peu élégant envers son prédécesseur le cardinal Groër.


Le cardinal Ruini, vicaire de Rome, papabile.

Le cardinal Biffi, archevêque de Bologne, sera le candidat des conservateurs, mais il est âgé et aura du mal à réunir les deux tiers des voix. Le cardinal Martini, ancien archevêque de Milan, réunirait les voix des progressistes, mais il est lui aussi âgé, jésuite et trop marqué à gauche. Le cardinal Giordano, archevêque de Naples, est éliminé car il a été compromis dans une sombre affaire d'argent. Le cardinal Tettamanzi, ancien archevêque de Gênes récemment transféré à Milan, a pris des positions tiers-mondistes lors du sommet de Gênes qui risquent fort de lui interdire de franchir les deux tiers des voix. Le cardinal Sodano, secrétaire d'Etat, a toutes les capacités voulues, mais l'élire serait prolonger le pontificat actuel et la règle veut qu'il y ait un certain changement. Les cardinaux Schola (Venise), Antonelli (Florence), Bertone (Gênes), viennent juste d'être créés cardinaux et cela est un obstacle. Le cardinal Ruini, vicaire de Rome, est un candidat très sérieux. Le cardinal Sepe a contre lui un caractère autoritaire et difficile. Le cardinal Re est, comme le cardinal Sodano, trop lié au pontificat actuel. Comme candidats de compromis, il reste le cardinal Poletto, archevêque de Turin, le cardinal di Giorgi, archevêque de Palerme, et, à la Curie les cardinaux Pompedda et Sebastiani.

Le cardinal Ruini est un homme de la Curie qui a acquis une expérience pastorale comme vicaire de Rome, il peut rallier les voix de centristes et de conservateurs désespérant de faire élire leur candidat. Comme vicaire de Rome, il a rencontré beaucoup de cardinaux étrangers, ce qui peut l'aider. Il est un candidat sérieux, mais pas un élu certain. Seul le cardinal Pacelli a fait mentir le dicton romain : ”Qui entre pape au conclave en sort cardinal.”

Bernard de Kerraoul


©Bulletin de l'Entente Catholique de Bretagne 2004