Redemptionis Sacramentum

REDEMPTIONIS SACRAMENTUM

Le Saint-Siège vient de rendre publique une longue instruction d'une cinquantaine de pages concernant les normes juridiques et pratiques à observer pour la célébration et la distribution de l'Eucharistie. Ce texte aurait dû être rendu public au commencement de l'automne, mais il a fait l'objet d'une âpre lutte entre les conservateurs et les progressistes.

Ces derniers peuvent en définitive inscrire un point à leur avantage : contrairement à la tradition multi-séculaire de l'Eglise, l'usage d'autoriser des servants de messe appartenant au sexe féminin a été confirmé. Cependant, cette faculté n'est pas laissée à la libre initiative des prêtres, elle est expressément subordonnée à l'autorisation préalable de l'ordinaire du lieu. Il faut espérer qu'il se trouvera de bons évêques pour refuser cette confusion des sexes.

Pour le reste, le texte n'innove en rien, il se borne à rappeler avec une précision très méticuleuse les règles à observer lors de la célébration des saints mystères. Le port des vêtements ecclésiastiques tout comme celui des ornements sacerdotaux est obligatoire. Verrons-nous enfin cesser ce scandale des prêtres disant la messe sans chasuble ? Le texte est très précis également sur les vases sacrés. Espérons que disparaîtront ces bols remplaçant les ciboires, et ces coupes fantaisistes tenant lieu de calice. Il est interdit aux laïcs de distribuer la communion sauf en cas de ”vraie nécessité”.


On devrait assister à la disparition des ridicules et parfois scandaleuses ”prises de parole”, car il est formellement interdit aux laïcs de prêcher durant la célébration de la sainte messe. Cette interdiction vaut pour tout le monde aussi bien ”les séminaristes, les étudiants en théologie, tous ceux qui exercent la fonction d'assistants pastoraux.” Il est précisé qu'elle concerne ”n'importe quel type de groupe, mouvement, communauté ou association de laïcs.”

Les concélébrations sont rigoureusement prohibées avec les ministres d'un culte n'ayant pas la même foi dans le dogme de l'Eucharistie. On ne devrait donc plus jamais voir des pasteurs, voire une pastoresse, se trouver à l'autel avec un prêtre catholique pour ”concélébrer”.

Ce n'est pas le premier rappel à l'ordre prononcé par Rome. Le pape Paul VI a plus d'une fois rappelé la doctrine catholique concernant l'Eucharistie, son successeur n'a pas été en reste, s'élevant à maintes reprises contre les déviations, mais à chaque fois il s'agissait de mises en garde assez générales, cette fois-ci il s'agit d'un texte juridique d'une très grande précision qui entre dans les moindres détails et traque tous les abus comme le ferait un puissant projecteur. Nul maintenant ne pourra s'autoriser du fait que tel abus n'était pas expressément condamné.

Le Saint-Siège est très conscient que certains évêques mettront de la mauvaise volonté à appliquer les décisions pontificales, aussi tous les fidèles sont invités à signaler à l'ordinaire du lieu ou directement au Saint-Siège les abus qui persisteront. Les fidèles ont un rôle important à jouer, s'ils avaient su ou voulu faire preuve de plus de courage, bien des abus ne se seraient pas installés dans l'Eglise de façon aussi durable.

Le cardinal Francis Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin, a profité de l'occasion de la présentation à la presse de cet important document pour répondre à la question : ”Un prêtre doit-il refuser de donner la communion à un homme politique dont il sait pertinemment qu'il ne respecte pas les positions les plus importantes de l'Eglise catholique, en particulier sur l'avortement ?” Le cardinal préfet a répondu : ”Oui.”

La question avait été posée par Mgr Raymond Burke, évêque de La Crosse dans l'Etat du Wisconsin aux Etats-Unis. Se fondant sur le canon 915, il avait demandé à ses prêtres de refuser la communion aux élus catholiques prenant publiquement position en faveur de l'avortement. Le pape a tenu à manifester publiquement son approbation à Mgr Burke en le promouvant peu après à l'important archidiocèse de Saint-Louis dont l'un des titulaires, Mgr Carberry, a été créé cardinal en 1969. Seuls les évêques autrichiens ont fait preuve d'un semblable courage. En France, l'épiscopat a été d'une discrétion de violette. Il semblerait que le seul sujet de préoccupation de nos évêques soit de lutter contre la xénophobie, comme si c'était devenu le seul péché digne de leur attention pastorale !

La position du nouvel archevêque de Saint-Louis est tout à fait normale car elle correspond à la distinction fondamentale que l'Eglise a toujours faite entre le péché privé et le péché public. On ne peut pas refuser la communion à un fidèle qui n'est que pécheur privé, même si l'on sait qu'il est en état de péché mortel pour lui avoir refusé l'absolution ou pour l'avoir vu commettre un crime ou un sacrilège, car on n'a pas le droit de faire perdre sa réputation à un fidèle. Ce dernier, suivant la parole de saint Paul, boit sa propre condamnation en buvant de façon indigne le sang du Christ, mais c'est affaire entre lui et sa conscience. Il en va tout autrement quand on bafoue publiquement les lois de l'Eglise, que l'on vote publiquement une loi en faveur de l'avortement ou du divorce ou du mariage homosexuel, ou si, de façon publique ou ostensible, on prend position par des articles ou des pétitions.

Saint Ambroise, archevêque de Milan, refusa publiquement l'entrée de sa cathédrale à Théodose coupable de multiples meurtres et qui n'avait pas fait publiquement pénitence. Quand le roi Louis XV tomba gravement malade et que l'on craignit qu'il ne vînt à décéder, l'évêque refusa de lui donner les derniers sacrements tant qu'il n'aurait pas chassé d'auprès de lui sa maîtresse la duchesse de Châteauroux. Il a agi ainsi parce que la maîtresse du roi vivait publiquement en concubinage avec lui. Il se serait agi d'une liaison secrète, il n'aurait pas agi ainsi. Rien n'est plus logique : on ne peut pas bafouer ouvertement les prescriptions les plus graves de l'Eglise et en même temps prétendre recevoir les sacrements comme un fidèle en état de grâce. Le prêtre qui donne sciemment la communion à un homme qu'il sait coupable de péché public se rend complice de son sacrilège. En cas de péché privé, le prêtre doit donner la communion, seul le fidèle est alors coupable de sacrilège. Certains auteurs de théologie morale autorisent, si la chose peut se faire discrètement, une simulation de communion, c'est à dire qu'on ne refuse pas ostensiblement la communion mais on s'arrange pour ne pas la donner. Les auteurs précisent bien que le prêtre doit s'assurer qu'il peut agir ainsi sans causer de scandale.

B. de K.

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